Les captives de réassurance : guide pratique

Pour mieux faire face à certains aléas et se prémunir contre certains risques, les entreprises peuvent se tourner vers les captives de réassurance. Tout savoir sur cet outil d’auto-assurance, ses avantages, ses limites et sa mise en pratique.

Captive de réassurance : définition

Une captive de réassurance est un mécanisme de gestion des risques basé sur l’auto-financement, qui implique la création d’une entreprise. En d’autres termes, ce sont des structures créées par des entreprises pour assurer certaines typologies de risques liées à leur activité et à celle de leurs filiales.

Une captive de réassurance n’étant ni une compagnie d’assurance ni de réassurance, elle ne peut pas recevoir de primes d’assurance directement. Elle doit donc passer par un « fronteur » (un organisme d’assurance) et respecter une législation spécifique.

Les avantages de la captive de réassurance

Plusieurs raisons peuvent encourager une entreprise à se tourner vers les captives de réassurance.

Une meilleure maîtrise des questions d’assurance et de sinistres, d’abord. En assumant elle-même le coût d’assurance de certains risques, une entreprise gère non seulement de façon plus indépendante ce coût – se prémunissant ainsi contre un marché de l’assurance parfois changeant – mais montre aussi aux assureurs son engagement à supporter financièrement elle-même une partie de ces risques. De quoi les rassurer en retour et les inciter à modérer leurs tarifs.

Par ailleurs, la captive de réassurance permet de couvrir certains risques complexes ou non-assurables. C’est le cas notamment des risques industriels ou des risques cyber, qui sont de véritables préoccupations pour les entreprises aujourd’hui. Elle couvre également les franchises, les sous-limites et les exclusions des contrats d’assurance.

La captive de réassurance couvre aussi les pertes pécuniaires en protégeant le bilan. Comment ? En prémunissant l’entreprise et ses filiales contre une éventuelle variabilité du coût des matières premières par exemple, ou contre des pertes de chiffre d’affaires, des maladies transmissibles, des pertes sans dommages ou anticipées, des carences, etc.

Enfin, la captive de réassurance optimise le retour sur investissement dans les politiques et processus de gestion des risques, en générant de la trésorerie à la disposition de l’entreprise, quand le plafond minimum est atteint.

Les limites

Si les avantages sont nombreux, les captives de réassurance présentent toutefois certaines limites. D’abord, elles ne couvrent pas tous les risques. Les risques dits « catastrophiques », comme les tempêtes et les inondations par exemple, sont en effet hors de leur champ d’application. Et puis, même si elles offrent une garantie d’assurance supplémentaire, les captives de réassurance ne sauraient remplacer ni même réduire le budget d’assurance d’une entreprise.

A noter également que la captive de réassurance représente un certain coût pour l’entreprise, qui doit l’envisager comme un investissement à moyen et long terme, et non comme un outil d’économie à court terme.

Enfin, jusqu’à encore récemment, le cadre législatif n’était pas franchement favorable aux captives de réassurance en France, ce qui encourageait des entreprises à se tourner vers des pays comme le Luxembourg et l’Irlande, qui encadrent cette pratique. Même si la fiscalité a évolué en 2023, la France continue de limiter les catégories d’assurance pour les captives de réassurance.

En résumé

Avantages :

Plus d’indépendance face aux changements du marché d’assurance ;

  • Couverture de risques non assurables ou complexes ;
  • Couverture des franchises, sous-limites et exclusions des contrats d’assurance ;
  • Protection du bilan contre les pertes pécuniaires (variabilité du coût des matières premières, pertes de chiffre d’affaires, maladies transmissibles, pertes sans dommages, pertes anticipées, risque cyber, carences, etc.) ;
  • Facilitation des montages (coassurance ou en deuxième ligne) ;
  • Optimisation du retour sur investissement dans les politiques et processus de gestion des risques.

Limitations :

  • Exclusion des risques catastrophiques ;
  • Pas de remplacement ou de réduction du budget d’assurance ;
  • Investissement conséquent à moyen / long terme (pas d’économie à court terme) ;
  • Limitation des catégories d’assurance dans la législation française.

Que dit la loi

Les schémas réglementaires actuellement en place

Comme évoqué plus haut, la France est longtemps restée peu attractive pour les entreprises souhaitant créer ou domicilier leurs captives de réassurance. Résultat, ces structures devaient passer par des pays où la législation était plus avancée sur ces questions, le Luxembourg et l’Irlande en tête, avec 80 % des captives, suivis de la Suisse et Malte.

Parmi les options qui s’offraient aux entreprises, le Luxembourg s’affichait comme la solution la plus intéressante, avec la possibilité de constituer une provision pour fluctuation de sinistralité (PFS) différée d’impôt, permettant de lisser et d’anticiper les sinistres exceptionnels ou substantiels dans le temps.

En revanche, cette solution pourrait constituer un problème pour les entreprises françaises. En termes d’image, d’abord. Et puis en raison des coûts significatifs de transfert et de gestion, mais aussi du caractère artificiel de l’implantation et des potentiels problèmes de contentieux en matière fiscale.

Captives à la française : une nouvelle fiscalité en 2023

Pour répondre à un besoin des entreprises en matière de gestion des risques, notamment en ce qui concerne les risques complexes et difficiles à placer, la France a fait évoluer le cadre fiscal et réglementaire des captives de réassurance. Conformément à ce que prévoyait le projet de loi des Finances de 2023, l’article A.344-2 du code des assurances a été révisé.

Depuis le 1er janvier 2023, il est possible de doter une provision dite « pour l’égalisation » en franchise d’impôt, pour faire face aux sinistres futurs, dans un délai de quinze ans. Ce dispositif permet donc de lisser les risques sur plusieurs années, et ainsi de mieux y faire face.

Paru en juin 2023, le décret qui fixe le cadre législatif des « captives à la française » a donné davantage de précisions quant aux modalités de ce nouveau mécanisme de gestion des risques. Il définit notamment les limites et les plafonds de la provision applicables en France. Ainsi, la dotation annuelle de la provision est fixée à « 90 % du montant du bénéfice résultant de la somme des bénéfices techniques associés à chaque catégorie de risques concernée ». Si l’entreprise n’utilise pas ces fonds dans un délai de quinze ans, ils devront être réintégrés dans le bénéfice imposable de la maison-mère. Quant au plafond, il ne peut dépasser dix fois le montant moyen, sur les trois dernières années, du MCR (minimum de capital requis).

Passer par la captive en France va permettre de simplifier la gestion et de réduire les coûts pour les entreprises, mais surtout de se protéger contre les risques fiscaux inhérents à l’utilisation d’une structure étrangère. Et ainsi intéresser des entreprises de taille plus petite que celles qui recourent actuellement aux captives de réassurance, notamment dans l’univers des ETI (entreprises de taille intermédiaire).

Les préalables avant une étude de faisabilité

Comme pour tout investissement, mieux vaut se préparer avant de se lancer. Une entreprise qui envisage l’auto-assurance par le biais de captives de réassurance doit d’abord mener une étude de faisabilité afin de s’assurer que cet outil s’avère pertinent. Cette étude permet également de choisir les modalités les plus adaptées aux besoins et de vérifier que toutes les conditions sont réunies pour mettre en place correctement ce mécanisme.

Plusieurs étapes doivent être suivies pour évaluer la faisabilité d’un dispositif de captive de réassurance.

Avant toute chose, il faut vérifier que le volume de primes et la typologie de risques sont adaptés. Puis, il convient de prendre la mesure de l’investissement que la captive d’assurance représente. Il s’agit en effet d’un véritable engagement financier. L’étude de faisabilité et la mise en place de la captive coûtent en moyenne 100 000 euros, et l’investissement en lui-même. Il s’agit-là d’une capitalisation minimum de 1,3 million d’euros, qui peut aller au-delà de ce montant.

Attention également aux coûts annexes de la captive de réassurance que représentent les coûts de fonctionnement administratif, et qui reviennent de façon récurrente.