Actualité juridique : redéfinition des règles des congés payés
Publié le 22 mars 2024
Le 8 février 2024, le Conseil constitutionnel a tranché sur la conformité des dispositions du Code du travail relatives à l’acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie d’origine non professionnelle. Il affirme leur alignement avec les principes constitutionnels français.
Cette décision fait suite à un long débat juridique sur la compatibilité des règles françaises avec la loi de l’Union européenne, qui prévoit l’accumulation de droits à congés payés même pendant les périodes d’arrêt de travail pour maladie.
Malgré cette confirmation de conformité à la Constitution, des questions demeurent quant à l’harmonisation avec les normes européennes, un sujet de préoccupation majeur pour les employeurs et les salariés en France.
Contexte juridique
La décision du Conseil constitutionnel concernant les congés payés en cas d’arrêt maladie marque une étape importante dans le dialogue entre le droit du travail français et les directives européennes. Au cœur de ce débat juridique, une question : les dispositions actuelles du Code du travail sont-elles en adéquation avec les principes fondamentaux de droit à la santé, au repos, et à l’égalité devant la loi ?
Le code du travail ne prévoit pas que le salarié puisse acquérir des congés payés pendant un arrêt maladie qui n’a pas d’origine professionnelle. Il indique que seules les périodes de suspension du contrat de travail en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle permettent au salarié d’acquérir des congés payés.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) admet cependant que le salarié peut acquérir des congés payés pendant sa maladie d’origine non-professionnelle. Cette position a été confirmée par la Cour de cassation française le 13 septembre 2023.
Ainsi, le salarié en arrêt de travail en raison d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’une maladie ordinaire est en droit d’acquérir des congés payés.
Les effets de ces arrêts de jurisprudence restent à préciser. Ils laisseraient donc la possibilité au salarié de demander à l’employeur un rappel de congés pour des périodes antérieures au 13 septembre 2023.
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 8 février 2024 sur la constitutionnalité de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie non professionnelle.
Interrogé par le gouvernement sur la transposition de la directive européenne de la CJUE, le Conseil d’Etat a tranché ce jeudi 14 mars : les salariés en arrêt maladie, quelle que soit l’origine (professionnelle ou non) auront désormais le droit d’acquérir des congés payés, dans la limite de quatre semaines par an.
Une évolution conséquente pour les entreprises
Cette situation pose de nouveaux défis pour les entreprises françaises et crée un terrain complexe pour la gestion des ressources humaines.
Les implications économiques ne doivent pas être sous-estimées. Les entreprises pourraient voir leurs coûts liés aux congés payés augmenter, notamment dans les secteurs où les arrêts maladie sont fréquents. La Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME) estime un impact financier de 2 à 3 milliards d’euros, sans tenir compte d’une éventuelle rétroactivité de cette mesure. Une charge exceptionnelle qui pourrait entraîner une réévaluation des budgets alloués aux avantages sociaux et, potentiellement, des ajustements dans les stratégies de rémunération et de bénéfices pour les salariés.
Les entreprises devront également redoubler de prudence dans l’application des règles relatives aux congés payés, en veillant à respecter à la fois le cadre juridique français et les principes du droit européen. Pour garantir une gestion équitable des droits des salariés tout en minimisant leurs risques juridiques, les employeurs réévalueront sans doute leurs politiques internes liées à l’accumulation de droits à congés payés durant les périodes d’arrêt de travail pour maladie, qu’elle soit professionnelle ou non.
Les services de ressources humaines sont dans l’obligation quant à eux de modifier leurs outils et processus avec la mise en place de systèmes de suivi des absences pour maladie, en faisant la distinction entre maladies professionnelles et non professionnelles pour le calcul des droits à congés payés. Cette adaptation entraînera inévitablement une charge de travail supplémentaire pour les équipes RH, exigeant une gestion optimisée des ressources pour maintenir l’efficacité.
Enfin, au-delà de la gestion administrative et financière, cette décision souligne l’importance de promouvoir un environnement de travail sain. Les entreprises peuvent voir dans cette évolution législative une opportunité d’investir davantage dans la prévention des maladies professionnelles et la promotion du bien-être au travail. Des programmes de santé et de sécurité au travail qui peuvent non seulement réduire les incidences des arrêts maladie mais aussi améliorer la productivité et l’engagement des salariés.
En conclusion, la décision du Conseil constitutionnel ouvre la voie à une réflexion approfondie sur les meilleures pratiques en matière de gestion des congés payés et de santé au travail. Pour les entreprises, l’enjeu sera de concilier efficacement les exigences légales avec le développement d’une culture organisationnelle qui valorise la santé, la sécurité et le bien-être des salariés comme piliers de la réussite et de la durabilité.